Les premiers hypermarchés européens ouvrent à Bruxelles en 1961

brussels-studies“On s’apprête à célébrer en France le 50e anniversaire de la création par la société Carrefour du premier hypermarché, à Sainte-Geneviève-des-Bois, près de Paris. Ce type de magasin en libre service, de plus de 2.500 m², vendant à la fois des articles alimentaires et non-alimentaires, de localisation périphérique, très accessible en voiture et entouré d’un grand parking constitue l’équipement commercial emblématique de la consommation de masse, tout comme le « shopping center » apparu en Europe un peu plus tard. La présence d’hypermarchés aux quatre coins du monde doit beaucoup à l’entreprise française qui en a fait le cheval de bataille de sa croissance internationale. Mais parler d’une invention française est abusif. Dans le bouillonnement créatif du secteur de la distribution durant les trente glorieuses, de nombreux concepts ont été importés d’outre-Atlantique et adaptés au marché européen, parfois simultanément par différents acteurs. L’hypermarché n’échappe pas à cette logique. Et les précurseurs de cette importation sont bel et bien belges.
Le numéro 67 de Brussels Studies nous replonge dans cette époque charnière de l’histoire du commerce européen, mais aussi de l’aménagement de Bruxelles. Son auteur, Jean-Pierre Grimmeau, est professeur émérite de géographie à l’Université libre de Bruxelles. Observateur attentif du commerce de détail depuis plus de 25 ans, tant dans un cadre universitaire qu’au service d’entreprises privées ou d’acteurs publics, il compare minutieusement les histoires des premiers hypermarchés belges et français, ce qui n’avait jamais été fait. Pour ce faire, il a analysé une abondante littérature scientifique, exploré les archives d’entreprise de GIB (mises en dépôt à l’ULB) et recueilli des témoignages auprès d’acteurs qui constituent une véritable mémoire vivante de la distribution en Belgique. L’histoire qu’il nous conte met en lumière quelques faits méconnus.
Décrivant le processus de diffusion des États-Unis vers l’Europe, l’analyse confirme que GB ouvrait dès 1961, soit près de deux ans avant la première ouverture française, trois hypermarchés sous l’enseigne SuperBazar à Bruges, Auderghem et Anderlecht, de 3.300 à 9.100m². Si l’on écarte le site de Bruges, de seulement 3.300m² et initialement conçu comme grand magasin classique sur deux étages, le point de vente d’Auderghem (9.100m² au boulevard du Souverain) doit donc être considéré comme le premier hypermarché européen. Il intègre dès l’origine le modèle américain du « discount department store » et un supermarché alimentaire. L’association de l’alimentaire et du non alimentaire, bien que rare, n’est alors pas inexistante aux États-Unis. L’hypermarché est donc une invention américaine, mais les premiers hypermarchés européens furent ouverts en Belgique par GB. Ceci ne remet évidemment pas en question le rôle de Carrefour comme diffuseur du modèle de l’hypermarché à travers le monde, mais cette correction historique méritait d’être apportée.
En 2007, le 50e anniversaire du premier supermarché belge autonome, le Delhaize de la place Flagey, avait été marqué par une grande exposition. Rien de tel en 2011 pour l’hypermarché d’Auderghem, qui pourtant existe toujours. Pourquoi le cinquantenaire du premier hypermarché n’a-t-il pas été fêté et pourquoi l’antériorité belge a-t-elle été oubliée ? Il est vrai qu’en 2011 le groupe GIB n’existait plus. Il a été démantelé (entre 1989 et 2002) et ses hypermarchés rachetés par… Carrefour (2000). D’autre part, GB n’a jamais eu le même intérêt pour l’histoire que Delhaize. Pourtant, la mémoire économique et sociale de Bruxelles passe aussi par l’histoire des entreprises et les faits marquants

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