TAFTA leaks : les raisons de la colère

Des documents confidentiels révélant l’avancée des négociations du traité transatlantique (TAFTA) ont été mis en ligne aujourd’hui, c’est un TAFTA leaks auquel on assiste selon l’association foodwatch que l’on connaissait aussi sur d’autres sujets.

Un accord contre les peuples que l’on pourrait appeler TAFTA leaks

Pour Karine Jacquemart, directrice générale de foodwatch France, « Les documents fuités prouvent que les critiques à l’encontre du TAFTA sont justifiées. Ce n’est pas seulement la pression exercée par les Etats-Unis qui menace les standards en matière d’environnement, de santé, ou d’alimentation. Sur des questions cruciales telles que le principe de précaution ou la protection des investisseurs, l’Union européenne avait déjà lâché la bride. »

Le principe de précaution utilisé en Europe afin de protéger les citoyens face à des dangers potentiels pour leur santé ou leur environnement n’existe pas en tant que tel aux Etats-Unis. Les documents publiés aujourd’hui confirment que pour les négociateurs, c’est un obstacle au commerce à abattre. « Dans le mandat de négociation de l’Union européenne, le principe de précaution n’est pas même mentionné. Le traité CETA (UE-Canada), cousin canadien du TAFTA qui pourrait être appliqué très prochainement, balaie lui totalement ce principe. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, l’UE a sacrifié le principe de précaution avant même le début des négociations, et pas sous pression des Etats-Unis. »

Le « nouveau » mécanisme de protection des investissements proposé par la Commission est un leurre. Les entreprises étrangères pourront par ce biais attaquer les choix collectifs et décisions politiques des Etats, et être indemnisées par milliards en retour. « Le cœur du problème demeure. ‘Ancienne’ ou ‘nouvelle’ version, ce mécanisme établit une justice parallèle. Même avec une possibilité d’appel et une liste de juges définie, les investisseurs n’auront que des droits, et aucun devoir. Ils pourront toujours demander d’être indemnisés au titre de profits futurs non encore réalisés. »

En savoir plus :

CETA et TAFTA : un accord anti-démocratique peut en cacher un autre

foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot, Corporate Europe Observatory, Alfred de Zayas, expert des Nations unies et Aurélie Trouvé, agroéconomiste appellent la France à s’opposer à l’adoption du CETA et à stopper les négociations sur le TAFTA.

Le Président de la République et le Premier ministre ont émis des réserves cette semaine concernant la signature du TAFTA. Pourtant, un autre traité de libre-échange transatlantique, le CETA, déjà conclu entre l’Europe et le Canada, et présentant les mêmes dangers, pourrait entrer en vigueur dans les prochains mois. foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot et trois experts de renom appellent le gouvernement français à la cohérence en traduisant les discours en actes. Le gouvernement doit agir d’urgence pour éviter que l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (CETA) ne soit entériné par le Conseil de l’UE et n’entre en vigueur avant même que nos élus n’aient eu leur mot à dire.

TAFTA et CETA : deux traités aux dangers identiques

Le TAFTA et le CETA appartiennent aux accords de nouvelle génération dont la spécificité est de couvrir tous les champs de notre économie y compris ceux qui restent à inventer. L’objectif n’est plus seulement de supprimer les taxes douanières mais d’aller vers une uniformisation des normes et des règles qui touchent à notre vie quotidienne : agriculture et alimentation (OGM, étiquetage), environnement, droits sociaux… Ces accords prévoient de restreindre la capacité des Etats à légiférer en donnant la possibilité aux grandes entreprises étrangères de recourir au mécanisme d’arbitrage, un système de justice parallèle et illégitime qui autorise ces entreprises à attaquer des décisions politiques et demander des millions d’indemnités. Pour Alfred de Zayas, expert des Nations unies : « Il s’agit de traités asymétriques avec des droits pour les investisseurs et les sociétés transnationales – mais peu d’obligations et aucun mécanisme pour sanctionner les dommages pour la santé, la pollution de l’environnement, etc. dont ils sont responsables ».

CETA : le cousin canadien du TAFTA

Ce cousin canadien du TAFTA présente les mêmes dangers que ceux évoqués à l’encontre du traité négocié avec les Etats-Unis : remise en cause du principe de précaution et des normes sociales, environnementales, sanitaires et économiques, institutionnalisation des mécanismes d’arbitrage favorables aux investisseurs, coopération règlementaire… L’entrée en vigueur du CETA permettra par exemple à quatre entreprises américaines sur cinq présentes en Europe de pouvoir utiliser les tribunaux d’arbitrages contre les Etats membres grâce à leurs filiales canadiennes. Et ce, quoiqu’il advienne du TAFTA. Par ailleurs, un forum de coopération règlementaire sera chargé de mettre un terme aux divergences de règlementations. Ce forum agira hors de tout contrôle citoyen et influencera les projets de lois, avant même la consultation de nos élus.

L’ensemble de ces dispositions aura un impact sur notre alimentation et freinera sans aucun doute la nécessaire transition énergétique et écologique. Denis Voisin, de la Fondation Nicolas Hulot, s’en inquiète : « Une semaine après avoir signé l’accord de Paris, l’Union européenne et le Canada sont-ils décidés à le condamner avant même son entrée en vigueur pour quelques hypothétiques centièmes de points de croissance ? ».

Ces deux traités transatlantiques menacent nos choix démocratiques. « Les règles de protection des citoyens et des consommateurs, nos droits à plus de transparence et une alimentation saine, le principe de précaution, sont, pour les multinationales, des barrières commerciales à abattre » explique Karine Jacquemart, de foodwatch France.

Une position française qui se doit d’être claire

foodwatch, la Fondation Nicolas Hulot, Corporate Europe Observatory, Alfred de Zayas, et Aurélie Trouvé appellent donc la France à s’opposer à la ratification du CETA lors du Conseil de l’Union européenne. A minima la France doit :

  • S’assurer que le CETA est un accord dit « mixte » et que celui-ci n’entrera pas en vigueur – même de façon provisoire – tant qu’il ne sera pas ratifié par chacun des pays de l’UE, laissant la possibilité pour chaque Etat d’organiser un débat public et de consulter ses élus ;
  • Réaliser des études sectorielles – et notamment sur la partie agricole – pour évaluer les conséquences d’un tel accord sur l’économie française ;
  • Retirer le mécanisme d’arbitrage de l’accord ;
  • Retirer les dispositions relatives à une coopération renforcée.

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