La reconnaissance vocale : la mort des marques et des distributeurs ?

Pour Jean-Paul Crenn, fondateur de Webcolibri, un cabinet conseil en e-commerce et transformation digitale devenu VUCA Strategy, une technologie va changer la donne dans le domaine retail : la reconnaissance vocale.

La reconnaissance vocale ouvre de nouvelle voies

Ce n’est plus le hype de la Réalité Virtuelle ou de l’Impression 3D, qui tardent à se concrétiser pour le consommateur. Non, il s’agit d’une technologie qui menace de vie ou de mort les distributeurs et les marques de produits de grande consommation. Cette menace a une technologie : la reconnaissance vocale. En Chine, les distributeurs investissent déjà la question.

La reconnaissance vocale nous l’avons rêvée face à Star Trek, elle nous a déçue quand nous l’avons testée. Mais la donne technologique, avec le développement de l’Intelligence Artificielle et de son champ d’étude, l’Apprentissage Automatique (le Machine Learning) a radicalement changé.

La reconnaissance vocale, gage d’expérience et de fidélisation client

Microsoft a montré que son Intelligence Artificielle est capable de reconnaître un discours oral mieux qu’un être humain ! Cortana, la reconnaissance vocale de la société d’Albuquerque en tirera parti sous peu. De son côté Google, avec Google Assistant se décline non seulement sous Android mais également au sein de nos foyers via son haut-parleur connecté intelligent. Suivant en cela Amazon avec Écho et son assistant personnel de reconnaissance vocale, Alexa. Apple, de son côté fait continuellement progresser Siri. Or si la reconnaissance vocale questionne bien évidemment les problématiques d’utilisabilité, c’est- à-dire d’utilisation d’un nouveau type d’interface homme-machine, ses implications sont bien plus profondes. Echo/Alexa, lancé aux USA en juin 2015, équipe déjà 4% des foyers aux USA, Siri enregistre plus de 2 milliards de commandes par semaine, Google annonce que 20% des recherches sur les smartphones équipés de l’OS Android se font par la voix et l’institut d’études Gartner prévoit que 30% des recherches sur le web se feront sans écran dès 2020. L’usager que nous sommes est séduit par la recherche vocale. Au premier semestre 2017, 85 % des utilisateurs d’Echo/Alexa ont utilisé au moins une fois le haut- parleur connecté comme Alarme, 82% pour écouter de la musique, 46% pour contrôler l’éclairage, 45% pour ajouter des produits à leur liste de course, 32% pour un achat sur Amazon et 6% pour un Uber. Derrière ce contrôle d’un haut-parleur connecté par la voix, il s’agit d’interactions avec le Web, avec des Applications. Il s’agit d’expériences vécues.

Dans notre monde d’abondance devenu VUCA (Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu) cette notion d’expérience est liée à l’engagement du consommateur envers les marques, envers les distributeurs. C’est pourquoi cette expérience est devenue, au sein des comités de direction des distributeurs et des marques de Produits de Grande Consommation (PGC), une priorité, devant le marketing et même les ventes. Car c’est de cette expérience que dépend la fidélité du client sinon si volatile – son engagement envers la marque.

Avec la reconnaissance vocale, Amazon peut améliorer l’expérience de ses utilisateurs quand il s’agit de se retrouver dans son catalogue de plus de 488 millions de références. Il peut lui proposer le service ou le produit qu’il recherche ou, mieux, anticiper ses désirs avant qu’il ne les formule. Pour les lui vendre, le plus rapidement possible. C’est là son objectif depuis 1997 !

Un objectif qui passe par la disparition inévitable des marques PGC

En effet, qu’est-ce qu’une marque, si ce n’est un signe de qualité, justifiant un surcoût (le markup) ? Or Amazon conteste ce markup des marques car il n’a plus d’objet. Pourquoi contraindre le client à payer plus pour être sûr de la qualité du produit, pour être abreuvé de publicité inutile, pour un packaging devenu invisible, pour des marges arrières de distributeurs sans intérêt ? Pourquoi payer tout cela alors que les avis client et le service exemplaire d’Amazon les rendent inutiles ? Pourquoi faire l’effort cognitif de garder en mémoire et de sélectionner une marque alors qu’il suffit de demander un produit, de citer une fonctionnalité ou de nommer une recette de cuisine ? La reconnaissance vocale ne fait qu’accélérer un processus qui a débuté avec Google et les moteurs de recherche sur Internet : le déclin des Marques PGC pour le consommateur.


Jean-Paul Crenn –  VUCA Strategy

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