Sylvia PINEL : discours lors des États généraux du Conseil du Commerce de France (CdCF)

sylvia pinel discours cdcfDiscours intégrale lors de l’intervention de Sylvia PINEL, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme à l’occasion des États généraux du Conseil du Commerce de France (CDCF)
« Quelles libertés pour le commerce ? »

− Mardi 11 février 2014 −

“Monsieur le Président du CDCF, cher Gérard Atlan,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs

Je suis heureuse de vous accueillir aujourd’hui à Bercy, dans ce ministère qui est celui de toutes nos entreprises, et notamment des entreprises du commerce.

Le Conseil du Commerce de France vous invite, pour les états généraux de cette édition 2014, à vous pencher sur la question des libertés du commerce, dans un contexte de mutations.

Nous le constatons tous les jours, l’usage d’internet et du e-commerce, l’attrait pour les circuits courts, l’apparition de nouveaux critères de choix, sont autant de facteurs qui font évoluer l’organisation classique du secteur commercial.

Ainsi, les consommateurs veulent diversifier les modes d’achat, à distance et en magasin, multipliant les interactions. Cela demande toujours plus d’innovation et d’adaptation pour les commerçants. Dans le même temps, les consommateurs demandent également des prix bas, une offre de qualité, une multiplicité de produits. Tout cela… immédiatement ou presque.

Quelles libertés donc pour le commerce dans un environnement aussi évolutif, aussi complexe, mais aussi varié.

Le projet de loi ALUR porté par Cécile Duflot contenait à ce titre des dispositions qui soumettent désormais les Drives à l’autorisation d’exploitation commerciale, à l’exclusion des drives « fermiers ». Nous avons veillé à y faire incorporer des mesures de transition pour les drive en cours d’édification disposant d’un permis de construire afin de permettre une entrée en vigueur respectueuse du rythme des décisions des acteurs.

Dans ce même projet de loi, nous avons amorcé la liaison entre l’urbanisme et l’urbanisme commercial, avec les permis de construire, les schémas de cohérence territoriale et le développement du commerce.

Nous avons donné rendez-vous aux parlementaires pour traiter le tout avec cohérence, dans le projet de loi Artisanat, Commerce et TPE que je présente demain devant l’Assemblée nationale.

Je sais aussi, que, dans le cadre du projet de loi ALUR, vous avez été particulièrement attentifs à l’équilibre entre la taille des parkings et celle des commerces.

A l’issue de l’examen de ce texte par les Assemblées, je me réjouis qu’un équilibre ait pu être trouvé entre le souhait du Gouvernement de favoriser un usage économe de l’espace et votre légitime préoccupation d’avoir la « liberté » de proposer des espaces de stationnement, de circulation correspondant aux projets commerciaux que vous développez.

C’est la volonté de parvenir à un équilibre entre l’intérêt général et la capacité des entreprises à innover, à créer, à se développer, qui a guidé mon action en faveur du commerce et des commerçants, mais également des artisans et des professionnels du Tourisme que je réunis actuellement dans le cadre des Assises dont les travaux contribueront à structurer notre politique touristique.

C’est bien ce souhait d’ouverture et d’intégration des problématiques concrètes auxquelles sont confrontés les uns et les autres qui m’amène à donner la place la plus large à la discussion avec les différents acteurs.

Ce fut d’ailleurs l’une des « libertés » des représentants du commerce que de s’exprimer tout au long de cette phase préparatoire et de défendre notre vision sur chaque thématique.

Le projet de loi pour l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises, que je présenterai, dès demain, en séance à l’Assemblée Nationale, rassemble ainsi les mesures législatives sur lesquelles nous avons travaillé depuis l’an dernier.

Elles figuraient dans mon plan pour le commerce et les commerçants et nous les avons approfondies et ajustées depuis en sollicitant régulièrement vos représentants. Je souligne la qualité de ces relations, des contributions que vous nous avez adressées, et je vous en remercie.

L’objectif de la loi que je présente est clair : favoriser le développement des entreprises du

commerce en simplifiant l’environnement, en le stabilisant et en ajustant le droit là où des déséquilibres fragilisent le commerçant.

Dans ce cadre, j’ai porté une attention particulière au commerce de proximité, indispensable à tous nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

La première mesure que j’ai proposée porte sur le bail commercial. J’ai, en effet, souhaité commencer par ce volet, commun à tous les commerçants, et qui traduit ma préoccupation d’équilibre et de transparence des relations contractuelles.

Le bail dérogatoire, qui permet aux entreprises démarrant leur activité de ne pas s’engager sur une période trop longue sans connaître la viabilité de leur projet, sera étendu sur 3 ans, au lieu de 2 aujourd’hui, durée plus adaptée à la montée en puissance des projets, au test économique en grandeur nature.

Mon projet de loi met aussi un terme à une évolution du prix du loyer qui n’est plus liée à la réalité économique vécue par les entreprises : avec l’adoption de l’indice des loyers commerciaux (ILC) comme référence pour l’indexation des loyers.

Contrairement à l’indice du coût de la construction, qui est parfois utilisé, l’ILC reflète le contexte économique dans lequel évolue le commerce.

Par ailleurs, mon projet de loi limite à 10% les réajustements qui peuvent être appliqués aux loyers dans les cas d’exception au plafonnement des baux. Il s’agit d’une mesure essentielle pour permettre aux commerces de faire face à des hausses brutales, liées à un changement de contexte,

qui peuvent les pousser hors des centres-villes.

Cela constitue une mesure phare à la fois parce qu’elle est importante en soi mais également parce qu’elle illustre très concrètement ma préoccupation d’équilibre dans les relations contractuelles et mon souhait de donner au commerçant les outils nécessaires pour prévoir l’évolution de leurs dépenses.

Vous parliez de liberté, celle de pouvoir se projeter dans le futur me paraît fondamentale. Elle suppose que les chefs d’entreprise que vous êtes puissent intégrer le plus en amont possible les facteurs d’évolution qui vont impacter leurs comptes.

Dans cette même optique, pour que le bail rétablisse une forme de symétrie entre locataire et propriétaire, l’état des lieux est rendu obligatoire et il est prévu d’annexer au bail un inventaire précis des charges locatives ainsi que de leur répartition entre le preneur et le bailleur.

Je sais qu’il s’agit là d’un point sensible aussi nous y travaillons d’ores et déjà ; les échanges entre les professionnels et mon cabinet sur les grandes lignes du décret que je prendrai dans les six mois de la promulgation de la loi ont déjà débuté.

Je propose également qu’un droit de préférence soit reconnu au commerçant lors de la vente du bien qu’il occupe.

Parce que, comme je le disais tout à l’heure, vos entreprises sont indispensables à la vie de nos territoires, j’ai voulu améliorer le droit de préemption qui permet aux communes d’encourager l’installation ou le maintien de commerce dans leurs centres-villes et dans tout quartier pour sauvegarder la diversité du commerce. C’est une nécessité pour de nombreux territoires.

Le projet de loi facilite donc l’utilisation par les communes du droit de préemption commercial en ouvrant la possibilité de le déléguer à un établissement public, à une société d’économie mixte ou à une intercommunalité.

Nous travaillons d’ailleurs avec les parlementaires sur des outils plus opérationnels, qui pourraient aboutir à un « contrat de revitalisation commerciale » qui donnerait plus de lisibilité aux communes dans les dispositifs qu’elles peuvent mobiliser pour favoriser le maintien et l’essor du commerce.

Sur ce volet également, je me suis attachée à proposer des mesures respectueuses des libertés du commerce : il s’agit bien d’un outil qui doit conduire à augmenter le nombre de commerces dans des quartiers dont la fragilité peut amener la collectivité à intervenir. Je le disais en préambule il nous faut concilier l’intérêt général avec les préoccupations particulières. La préemption l’illustre.

Le dernier volet du projet de loi renforce par ailleurs les leviers d’intervention de l’Etat au service de vos entreprises : nous proposons de simplifier les procédures d’urbanisme commercial, de les rendre plus transparentes, de mieux préciser les critères.

Ainsi afin d’améliorer l’efficience de la commission nationale d’aménagement commercial, qui est alourdie par les recours dilatoires, il est proposé d’empêcher le dépôt à plusieurs reprises, sur un même terrain, d’un projet qui n’aurait pas subi de modifications importantes pour l’améliorer.

Nous travaillons également à donner plus de transparence aux procédures, aux décisions et à mettre en place des outils d’observation de l’urbanisme commercial. Ce sont des dispositions significatives, qui renforcent la légitimité de l’intervention publique.

Enfin, nous opérons une simplification substantielle en articulant très étroitement l’autorisation d’exploiter commercialement avec le permis de construire. Ainsi, le pétitionnaire pourra déposer un seul et même dossier pour ces deux volets, au même moment auprès d’un même interlocuteur.

L’avis de la commission départementale ou de la commission nationale sera intégré au processus de délivrance du permis de construire. Il s’agira d’un avis conforme. Cela permettra de réduire les délais et de mettre en cohérence ces deux autorisations qui se situent aujourd’hui dans des silos séparés.

Autre levier public, le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (le FISAC) fait l’objet d’une refonte, comme je m’y étais engagée. Cet outil est aujourd’hui immobilisé par la contradiction entre la croissance des besoins et les contraintes budgétaires.

Le FISAC tel qu’il fonctionne aujourd’hui est donc une source d’insatisfaction pour tous, malgré les efforts financiers que nous avons consentis (35 millions d’euros ont été débloqués par l’Etat à titre exceptionnel fin 2013, et un nouvel abondement devrait être réalisé cet année). S’agissant d’un outil destiné à aider les commerçants, les artisans et les collectivités, il est nécessaire et urgent de le de réformer.

L’objectif est donc de clarifier les modes d’intervention en créant une logique de projets (et non plus de guichet, au fil de l’eau) permettant de distinguer entre les projets ceux qui ont la plus forte valeur ajoutée au regard des besoins des territoires mais également au regard de priorités publiques nationales comme, par exemple, la sécurité, l’accessibilité, le numérique, le développement durable.

Ce projet de loi, je le porte pour vos entreprises, qui représentent plus de 10 % de notre PIB, qui sont de grandes pourvoyeuses d’emplois, qui sont inventives et innovantes, et c’est bien pour cela qu’il contient des mesures visant à restaurer leur compétitivité.

Les deux tables-rondes de ce matin – « s’installer et ouvrir » et « se développer et employer » – témoignent bien de cette énergie et de ce désir de croissance qui sont les vôtres.

Je termine donc mon propos en revenant à la Liberté du commerce, puisque ce thème va animer vos échanges de la matinée. Si je le mets en regard de l’intervention de la puissance publique – comme mon actualité législative m’y incite – cela pourrait nous retenir une journée entière tant les débats peuvent être riches sur cette mise en perspective.

Je suis convaincue que l’activité économique est source de richesse et qu’elle doit être favorisée, dans la mesure où son développement est équilibré. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est à la puissance publique d’intervenir pour résorber des zones de fragilité, soutenir des commerces vulnérables là où cela fait sens, là où l’intérêt général le commande sans que la concurrence n’en soit pour autant faussée.

Telle est bien la philosophie qui conduit mon action, au travers notamment de ce projet de loi.

Je tiens donc à vous remercier une nouvelle fois de la qualité de nos échanges, de vos contributions aux concertations que j’ai lancées depuis dix-huit mois. C’est grâce à vous, grâce à vos initiatives positives, que la France retrouvera le chemin de la croissance et de l’emploi. Je vous souhaite d’excellents travaux à l’occasion de ces Etats Généraux.”

 

Seul le prononcé fait foi

 

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